Comment améliorer nos dispositifs de continuité d’activité : une apologie du « faire autrement »
Dernière mise à jour : 10 nov. 2020
Derrière la crise actuelle se sera tissée la reconfiguration totale de processus, d’outils et de liens modifiant de manière ponctuelle, voire permanente, notre manière d’appréhender et d’interagir dans nos écosystèmes respectifs. Elle se sera imposée à nous pour nous réinventer et nous aura fixé pour seules limites véritables, notre créativité et notre réactivité.
Les organisations les mieux préparées auront prévu un Plan de Gestion de Crise (PGC) et un Plan de Continuité d’Activité (PCA). Elles auront pensé « maintien et conduite d’opérations en mode dégradé », su encaisser les vibrations et avancer progressivement dans ce climat hostile. Mais avions-nous imaginé la survenance d’une crise sortant totalement du cadre de gestion habituel de nos entreprises ?
Si nous prenons en compte dans nos études de risques la survenance de multiples impacts sur les organisations, nous envisageons le risque souvent de manière cloisonnée (SI/ Humain/etc.). Nous intégrons l’amplification ou la propagation d’un risque, mais difficilement la simultanéité des points de déstabilisation internes et externes et ses répercussions sur les organisations.
L’actualité nous aura pourtant donné l’exemple d’une crise où rien ne fonctionne selon les modalités définies dans l’ADN de l’entreprise (partenariats, finalité des outils de production, politique de prix, etc.). Oui, un risque de gravité élevée et de probabilité faible est lui aussi critique ! En 4 semaines, ce risque qu’on ne souhaitait pas voir ou que l’on avait mal évalué aura transformé notre engagement dans la société. Il aura prôné la distanciation physique mais le rapprochement social, créé de nouvelles activités au sein des entreprises, modifié nos partenariats, ajusté nos valeurs et transformé la géographie de nos échanges, nos limites financières et juridiques. Il aura, en définitif, mis en exergue la vulnérabilité et l’interdépendance de nos systèmes et permis de mieux appréhender les principes fondamentaux d’une gestion de crise efficiente : Agilité / Connaissance / Créativité / Autonomie.
Mais si nous faisons face aujourd’hui à une crise sanitaire majeure, nous devons aussi préparer le futur pour répondre à celles qui viendront sans aucun doute, demain. Cette préparation devra permettre le dépassement du simple « fonctionnement en mode dégradé ». Nous devrons accepter d’envisager, en situation de crise, la déstructuration temporaire de nos organisations, imaginer le « faire autrement » dans sa globalité en adoptant une réflexion approfondie sur :
Le fonctionnement de la structure en mode nominal pour mieux appréhender les interdépendances et la propagation potentielle des impacts,
Les activités exceptionnelles que l’entreprise pourra couvrir en fonction du type de crise rencontrée, de l’utilité de ces activités et des ressources encore disponibles pour les mettre en œuvre,
Les partenariats sectoriels nécessaires à la reconfiguration du mode de production ou au soutien temporaire des activités (mutualisation des sites de production, des équipements, des ressources…),
Les engagements juridiques envisageables en situation de crise, leur limite interne mais aussi en externe en cas de reconfiguration complète des activités. Une réflexion sur le cadre juridique et les limites d’engagement permettra d’éviter toute mise en cause de responsabilité en situation de crise (dysfonctionnement des systèmes produits hors circuit standard : équipements non homologués ou soumis à une propriété intellectuelle tierce, réduction des contrôles qualité, livraisons hors dispositifs contractuels initiaux, etc.),
Les échanges publics-privés indispensables à l’amélioration du processus décisionnel et à l’identification des limites de responsabilité,
Les sources et les modes d’approvisionnement mais aussi le plafonnement tarifaire de ces nouveaux échanges commerciaux,
Les seuils d’engagements financiers et le recours à des fonds exceptionnels propres à chaque organisation, déblocables en situation de crise à discrétion du dirigeant et complémentaires aux indemnisations potentielles des assureurs,
La mise en place d’exercices de crise conjoints public/privé et entre différentes organisations évoluant dans sur un même périmètre géographique.
Cette crise nous aura encore démontré que l’étude des risques est nécessaire à toute organisation, petites ou grandes entreprises, organismes publics ou privés. Cette analyse doit conduire à des décisions préalables : accepter le risque, transférer ou non la prise en charge des impacts sur des tiers, et/ou mettre en place des dispositifs adaptés de gestion de crise et de continuité d’activité. Elle nous aura aussi permis de mieux appréhender les limites de nos outils de gestion des risques et d’envisager des améliorations. Il sera toujours difficile d’anticiper les crises et d’en mesurer les effets du fait de nombreux biais cognitifs inhérents à toute méthode d’analyse.
Dans ce contexte, à défaut de pouvoir repenser complétement nos méthodes d’analyse et de pouvoir prédire l’avenir, l’agilité de nos modèles et l’intelligence de situation resteront toujours les piliers de la gestion de crise.